Fédération nationale des associations INITIATIV’Retraite

INITIATIV'Retraite AISNE

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Association des salariés retraités du monde agricole et rural de l’Aisne

Un binage vaut deux arrosages


Un binage vaut deux arrosages : efficacité agronomique d’un geste ancestral

 

Ce proverbe agricole, souvent énoncé avec le sourire complice des jardiniers expérimentés, repose en réalité sur des fondements agronomiques solides.
« Un binage vaut deux arrosages » n’est pas qu’une maxime populaire : c’est une stratégie culturale essentielle dans la gestion de l’eau et la santé des sols.
Décryptons les mécanismes scientifiques et techniques qui se cachent derrière cette sagesse ancienne.

Biner, ce geste discret qui change tout

Le binage est une opération culturale qui consiste à ameublir superficiellement le sol, généralement à l’aide d’un outil manuel (binette, sarcloir). Cette pratique se distingue du labour par sa faible profondeur, généralement entre 2 et 5 cm. Elle intervient entre les rangs du potager pour rompre la croûte de battance, limiter la concurrence des adventices et améliorer les propriétés physiques du sol.

La bataille invisible contre l’évaporation

Le principal intérêt du binage réside dans sa capacité à limiter les pertes en eau par évaporation.
Après un arrosage ou une pluie, une croûte superficielle peut se former. Cette croûte, compacte et imperméable, agit comme un "pont capillaire" entre l’humidité du sol et l’air ambiant. L’eau, au lieu de rester disponible pour les racines, remonte par capillarité à la surface puis s’évapore.
Le binage casse cette continuité capillaire. En fragmentant la couche supérieure du sol, il crée une barrière physique qui freine la remontée de l’eau. Ainsi, l’humidité reste plus longtemps disponible dans la zone racinaire.
C’est ici que le dicton prend tout son sens : biner revient, en termes d’efficacité hydrique, à arroser à nouveau, voire davantage.
Dans le contexte actuel, cette pratique prend une importance cruciale.
Le département de l’Aisne connaît en effet une sécheresse persistante depuis presque deux mois.
Malgré les quelques millimètres de pluie tombés la semaine dernière, les sols restent extrêmement secs en surface comme en profondeur.
L’évaporation rapide de cette eau très localisée rend les apports naturels presque inefficaces sans une action complémentaire telle que le binage.
Ce dernier devient alors une réponse pragmatique, économe et immédiatement accessible face aux conditions climatiques dégradées.

Aérer le sol, c’est nourrir la vie souterraine

Un autre effet bénéfique du binage est l’amélioration de l’aération du sol.
En ameublissant la surface, on favorise l’échange gazeux entre le sol et l’atmosphère.
L’oxygénation est cruciale pour le bon développement des racines, mais aussi pour stimuler l’activité des micro-organismes bénéfiques, comme les bactéries nitrifiantes et les champignons mycorhiziens.
Ces derniers jouent un rôle fondamental dans l’assimilation des nutriments.

Moins d’herbes, plus de récoltes

Le binage permet également d’éliminer les mauvaises herbes en cours de levée, réduisant ainsi la concurrence pour l’eau, la lumière et les nutriments.
Un désherbage mécanique réalisé précocement (en stade « filament blanc » des adventices) est particulièrement efficace et évite le recours aux herbicides dans les jardins vivriers ou les cultures biologiques.

Un geste écologique et durable

À l’heure du changement climatique et des restrictions d’irrigation, le binage redevient un geste d’actualité.
Il permet d’économiser de l’eau, de renforcer la résilience du potager  face aux stress hydriques et de limiter les intrants.
C’est une pratique économique et parfaitement adaptée au maraîchage biologique comme au jardinage amateur.

 Une leçon d’humilité venue de la terre

« Un binage vaut deux arrosages » n’est donc pas une formule surannée, mais une stratégie intelligente de gestion de l’eau et de l’énergie du sol.
Elle rappelle que, dans le travail de la terre, l’observation fine et les gestes simples peuvent parfois surpasser les moyens les plus sophistiqués.
En revalorisant des pratiques sobres et efficaces, ce dicton nous reconnecte à un jardinage plus respectueux des cycles naturels, une nécessité pour les jardiniers de demain, particulièrement dans des territoires comme notre département où la sécheresse estivale ne relève plus de l’exception, mais de la tendance.

Jean-Luc MARTIN avec la complicité de Jacques MARQUETTE